Un jour. Un texte.

Embellir le quotidien, c'est juste prendre le temps de l'écrire.
"Le vrai écrivain n'est pas celui qui raconte des histoires mais celui qui se raconte dans l'histoire. La sienne et celle, plus vaste, du monde dans lequel il vit." - Philippe Roth.


18 févr. 2011

#17

Il la regardait, son visage pâle, les yeux mis-clos, un goutte de sueur froide glissant le long de sa tempe jusqu'à son cou. Sa bouche entre ouverte, elle inspirait fort, difficilement. Il la serrait fort contre lui, essayant de calmer les tremblements de son corps fiévreux. Elle était à lui, sa petite chose malade. Elle paraissait si forte dehors, si courageuse et déterminée. Mais quand elle rentrait chez eux, la fatigue d'avoir fait tant d'effort pour cacher sa faiblesse la saisissait, et elle était à nouveau ce petit être fragile qu'il avait pour mission de protéger. Il se sentait si puissant, si brave, quand il la tenait contre lui la nuit, il adorait le goût de médicament qu'elle avait sur la langue quand il l'embrassait. Il aimait la gronder quand elle avait oublier de prendre ses cachets, il aimait lui rappeler son rendez-vous chez le médecin. Il sentait son corps brûlant de fièvre, la nuit, tout près de lui, et il l'aimait, tellement fort. Personne n'avait le droit de la voir vraiment comme elle était, elle, sa fièvre, sa toux, et ses vertiges. Personne sauf lui. Lui et lui seul avait ce privilège, il n'y avait que lui qui pouvait s'occuper d'elle, la protéger de ces méchants virus.
Mais aujourd'hui, plus personne n'a besoin de lui, et ce bip strident et continu sonne le glas de sa solitude.

10 févr. 2011

Nina - #16

De son sixième étage, accoudé au balcon, il contemplait la foule qui déambulait dans la rue; il souriait en pensant à Nina.
Nina, sa nouvelle collègue, qui travaillait à l’étage du dessus, qui lui avait fait un grand sourire ce matin quand ils s’étaient croisés dans les escaliers. Nina, qu’il imaginait déjà à quatre pattes sous son bureau. Mais ça il ne faut pas le dire. Sa pensée dépasse parfois les convenances. Cette Nina, si merveilleuse, qui faisait tourner la tête de tout les hommes. Mais c’était à lui, à lui qu’elle avait sourit. Il allait la mettre dans son lit, c’était certain. Plus tard, devant la machine à café, elle lui avait touché le bras, avec ce sourire encore, ce sourire fabuleux qu’elle n’adressait qu’à lui.
Oui, mais oui. A présent, il était convaincu d’avoir raison.

Bonnet - #15

Dans le métro, un bonnet sur la tête. Tourne la tête. Sous le bonnet, pas mal.
Dans ma rue, à la lumière des lampadaires. Vraiment pas mal.
Dans sa rue, perpendiculaire à la mienne, espionne le bonnet. Se retenant d’observer le numéro d’immeuble, toujours la même appréciation. Et en plus, nous sommes voisins.
Passant devant ma porte, un matin, il n’y plus de bonnet. Plus de long manteau non plus, pour cacher l’attirail. Pas mal. Et quel bonheur que le printemps.
Posté devant ma porte, à m’attendre, une fin d’après midi, une voix, un bonjour. Un baiser, une étreinte. Quelques mots échangés.
Pas devant la porte des voisins.
Les escaliers deux à deux, quatre à quatre si l’on pouvait. Juste le temps de fermer le verrou à double tour et un soupir.
Pas mal.
Sur le pas de la porte, un regard triste, et trois mots.


Je déménage demain.

Habiter La Mémoire - #14

Aujourd’hui, elle s’est souvenue d’un vieux rêve. Un rêve d’escaliers en colimaçon qui ne finissent jamais, qu’il faut monter sans cesse, sans jamais apercevoir le dernier étage.
Aujourd’hui, le délire d’une fièvre intense fait se retourner son cerveau dans sa boîte crânienne, un vertige, et elle redescend les escaliers, son corps entier roulant sur le flot de béton, sous le bruit fracassant de sa tête cognant lourdement sur chaque marche.
Aujourd’hui, les sursauts sont revenus, le cœur s’est remit à tambouriner, ses poumons s’échauffent d’un souffle irrégulier. Le sentiment de l’impossible qui se réalise, mais que la réalité rattrapera, et mettra sur le carreau.
Aujourd’hui, oublier encore de surveiller ces mots insolents, qui ne connaissent pas la décence, le politiquement correct. Et s’en foutre.
Parce qu’aujourd’hui, en rentrant dans le froid, dans la nuit, c’est l’hypocrisie qui surgit dans une bouche de métro pour lui rappeler qu’elle ne veut pas lui ressembler.