Un jour. Un texte.

Embellir le quotidien, c'est juste prendre le temps de l'écrire.
"Le vrai écrivain n'est pas celui qui raconte des histoires mais celui qui se raconte dans l'histoire. La sienne et celle, plus vaste, du monde dans lequel il vit." - Philippe Roth.


14 oct. 2010

Footing. - #12

Courir. Courir encore. Ne plus sentir ses membres sous l’effort. Le souffle qui s’emballe, le battement du cœur qui résonne dans ma cage thoracique. J’ai peur, je fuis. Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Je ne sais pas. Je fuis cet ennui qui me ronge, je fuis cette souffrance qui me consume, me détruit. Ma tête tourne, mon cœur bat dans mes tempes. Je vais exploser de douleur. Je ne peux plus respirer, mes jambes tremblent. Je cours. Je cours encore. J’ai peur. Peur de ce qu’il y a derrière moi. Je n’ose pas me retourner, je ne veux pas voir le danger. Je m’enferme dans mon ignorance et continue. Cours, cours. Cours encore. Ne pas s’arrêter. Le risque est pire que la mort. C’est se sentir vivre encore. Ressentir à nouveau cette lassitude de chaque instant. Cours, cours encore. Ne plus sentir son calvaire sous l’effort. Encore.

Mushaboom (VV Mix). Feist, Open Season. - #11

S’emplir de musique. Bouger, et sentir bouger le corps de l’autre contre le sien. C’est l’une des plus grandes jouissances sur Terre.
Les mouvement de nos bras synchronisés, nos pas s’électrisant, s’entrecroisant, sachant parfaitement où ils vont. La précision de nos délires sinueux nous font tourner la tête. Cette façon de perdre le contrôle avec cette puissance incroyable, je la désire si fort, que c’est mon corps entier qui la réclame, mon esprit n’ayant plus rien à dire. Chaque son qui résonne plus fort fait trembler mes membres d’un désir inconnu au commun des mortels. Nos peaux ne se collent pas l’une contre l’autre dans une autre fin que celle là même, le mouvement de nos corps à l’unisson, il n’y a que cela qui compte. Une énergie formidable parcourt mes veines, inépuisable, je suis toute entière avec toi, là, en cet instant précis. Il n’y a plus de temps, chaque seconde marquée d’une note puissante devient éternité, et il n’y plus que nous, ayant perdu la raison, deux sensibilités accrues au contact de l’autre. Nous ne sommes plus que deux animaux réduit à cette pulsion de mouvement incessant. Ton souffle résonne dans le mien, les battements de nos cœurs suivent le rythme de nos danses effrénées. Nos impulsions calculées s’accordent et nos frissons se rencontrent dans une étreinte passionnée, sans attirance, sans amour, sans sentiments. Juste ce besoin de bouger, encore, encore, faire trembler le sol de nos sauts périlleux de plaisir. Personne ne peut nous comprendre, on ne fait que nous contempler, ébahi du concert de nos corps en cadence. Cette transe formidable laisse coît le spectateur qui ne peut rien ressentir de tel. Et quand la musique s’éteint, nous redevenons l’un pour l’autre des étrangers, nos esprits ne comprenant même pas ce qui vient de se passer à leur insu.
S’emplir de musique. Bouger, et sentir ton corps bouger contre le mien. Il n’y a pas de plus grande jouissance sur Terre.

Miroir. - #10

Toi. Tu n’aimes pas. Tu aimes être aimée.
Moi. Je n’sais pas. Peut-être que je suis comme toi.
Des tourments incessants dans lequel tu aimes te complaire je ne suis que la plainte qui résonne au loin Les affres de ton discours se répètent inlassablement à mon oreille comme une litanie fourmillante qui me gratte Tout n’est qu’illusoire ta souffrance s’enlise dans les malheurs que tu te créé elle s’embourbe dans ce mensonge qui s’oublie et finit par se prendre pour la réalité D’ailleurs est-il mort ou bien l’as-tu rêvé ? Cette rose t’a-t-elle piqué le doigt ou bien Est-ce encore ce phantasme qui revient ?Cet être qui te manque tant a-t-il jamais existé ? Ou bien ne te manque-t-il pas justement parce qu’il a toujours été absent ? Tes délires je les contourne je crie jusqu’à te détruire les tympans ce que tu ne prends que pour un murmure Ta folie est sourde elle n’entend que tes vaines paroles qui s’enchaînent dans un fracas monstrueux Tes éclats de rire tes charmes et ta rhétorique engagée ne sont que masques au vide tumultueux qui te dévore Grignotée de toutes parts par les histoires que tu t’inventes tu n’es plus rien qu’un roman sans fin que bientôt plus personne ne voudra lire Ta tête se perd et se cherche tu ne trouve pas tes repères dans cet esprit empatouillé dans sa propre chimère
Toi. Tu n’aimes pas. Tu aimes être aimée.
Et moi. Je n’sais pas. Peut-être que je t’aime.
Toi ce moi que je voudrais enterrer dans son propre tombeau d’imaginaire Je te vomis de toute ma gourmandise maladive qui déborde de mon être épuisé par tant de virages La nausée le tournis dont tu me fais le manège sont infinis et je voudrais m’envoler par tant d’élans tourbillonnants Toi moi encore toi qui revient comme une vague qui m’écoeure de son sel Ne le pleure plus la rose ne te piquera plus il ne reste que tes souvenirs fantasmagoriques pour te consoler de la solitude dans laquelle tu te morfond
Toi tu n’aimes pas. Tu aimes être aimée.
Mais ce n’est pas toi que l’on aime. C’est seulement une fiction qui s’écroule dans sa propre tragédie.

Cigarette. - #9

Dans cet objet cylindrique qui se consume, je vois ma vie. Des années, des instants partent en cendres, écrasés de tout mon poids. Mon poids de futur cadavre. Je suis comme cette cigarette, je serais fumée par une grande dame élégante, des traces de rouge à lèvres sur mon mégot, doucement éteinte par une main aux ongles manucurés. Mon cœur sent déjà cette rigidité cadavérique, cette frigidité qui parcourt tous mes membres et s’insinue en moi . Mes membres mortels qui s’agitent, pour devenir enfin ce corps immobile, indolent.
Je vis pour mourir. Et je meurs, pour rester un être éternel, une sorte de vie suspendue. Un mégot enfoncé dans la terre comme une croix, symbole d’un au-delà salvateur auquel on aimerait pouvoir croire. Mais il n’en est rien, et la fumée dansante que je libère ne peut servir qu’à obscurcir ma vue un instant, instant de foi crédule, fugace autant que la fumée s’envole et se disperse dans les airs.

EGO. - #8

Dans une grande rue sombre, les lampadaires luisent d’une lumière blafarde. Mon ombre s’élance devant moi, majestueusement étirée. Elle avance à grand pas, noircie d’élégance. Je détourne la tête et voit un autre reflet, éclairé celui-ci, dans le rétroviseur d’une voiture cabossée. La vitre qui le voisine me renvoie un autre miroitement aussi difforme que fascinant. Je suis là. Partout. Un regard par-dessus l’épaule et me voilà furtivement à mes trousses. Je suis à même le sol, écrasée par mes propres pas. Mon moi illuminé dévoile ses facettes obscures, obscurcies par leu jeu des ampoules. Sous la lumière artificielle, un feu d’égos démultipliés s’embrase d’un orgueil formidable, et je m’aime, dans ma multitude enflammée.